Célébration des 50 ans du Comité pour une Internationale Ouvrière

Au cours du week-end des 20 et 21 avril 1974, une réunion internationale restreinte mais cruciale s’est tenue dans une salle du pub Old Mother Redcap à Camden, Londres. Cette réunion a décidé de lancer une nouvelle organisation révolutionnaire trotskiste internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO). La nouvelle Internationale devait être fidèle aux idées et aux méthodes de Marx, Engels, Lénine et Trotsky.

Étaient présents à la réunion des sympathisants du journal Militant de Grande-Bretagne et de très petits groupes établis en Irlande, en Allemagne et en Suède, ainsi que des personnes du Sri Lanka, de la Jamaïque et de quelques autres pays. Bien que très peu nombreux à ce moment-là, le CIO allait faire d’importants progrès dans la seconde moitié des années 1970 et dans les années 1980 et avoir un impact significatif au niveau international. Pendant cinquante ans, le CIO s’est engagé dans une lutte politique en faveur d’un programme socialiste révolutionnaire pour la classe ouvrière, en participant aux luttes de la classe ouvrière et des opprimés et en y jouant parfois un rôle de premier plan.

La nécessité de travailler à la construction d’une nouvelle Internationale trotskiste découle de ce qui s’est passé dans les années 1950 et 1960 et de l’essor économique qui a suivi la Seconde Guerre mondiale et qui s’est achevé en 1974. Cette période a eu un impact sur le Secrétariat uni de la Quatrième Internationale (USFI), qui était à l’époque la principale organisation succédant à l’Internationale que Trotsky avait contribué à fonder en 1938. La manière de répondre au capitalisme et aux développements internationaux a déclenché une série de débats politiques et de disputes au sein de l’USFI avec les partisans de Militant en Grande-Bretagne.

Militant a été lancé en 1964, émergeant du groupe autour du journal peu fréquenté Socialist Fight, le journal de la Revolutionary Socialist League. Les divergences portaient sur des questions cruciales telles que le caractère des révolutions coloniales en Asie, en Afrique et en Amérique latine, le rôle de la guérilla et de la classe ouvrière, la division sino-soviétique de l’époque, les perspectives et le programme de la classe ouvrière en Europe, aux États-Unis et ailleurs, entre autres. En substance, l’USFI s’est détournée de la classe ouvrière et s’est tournée vers d’autres forces sociales comme moteur de la révolution socialiste. En fin de compte, cela s’est traduit par l’expulsion de facto du Militant de l’USFI en 1965. Sur le plan politique, cette rupture était le résultat de conditions objectives et de la manière dont les trotskystes faisaient face à la situation mondiale.

Initialement isolé en Grande-Bretagne, le Militant enracinait toujours son analyse politique et son approche dans une perspective internationale. Après son expulsion, les camarades du Militant ont commencé à rechercher des co-penseurs internationaux. Après discussion, il a été convenu qu’il était nécessaire d’entreprendre la tâche de commencer à construire une nouvelle organisation internationale. Des efforts et des sacrifices herculéens ont été consentis par ceux qui formaient le noyau du Militant au milieu et à la fin des années 60 et plus tard, en particulier par Peter Taaffe, Keith Dickinson et d’autres. Ted Grant a joué un rôle politique important dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, mais il n’a pas été en mesure de relever les défis de la nouvelle situation mondiale qui s’est ouverte à la fin des années 1980 et dans les années 1990.


Percée


Au milieu des années 1960, des changements cruciaux s’opèrent au niveau international, y compris en Grande-Bretagne. Après la campagne pour le désarmement nucléaire et d’autres campagnes sur cette question, il y eut le mouvement contre la guerre du Vietnam, le mouvement des Noirs américains et les Black Panthers, la grève générale française et les bouleversements dans ce qui était alors la Tchécoslovaquie en 1968, ainsi que les troubles et les révolutions en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Tous ces événements anticipaient des événements et des bouleversements encore plus importants dans la lutte des classes au cours des années 1970.

En 1970, un changement décisif s’est produit, qui a permis à Militant de faire de grands progrès en Grande-Bretagne et, plus tard, au niveau international. Les partisans de Militant, qui travaillaient à ce moment-là au sein du Parti travailliste, ont obtenu la majorité au sein des Jeunes socialistes de celui-ci. À l’époque, il s’agissait d’une coquille vide. Les militants l’ont transformée. Elle s’est tournée vers l’extérieur pour intervenir dans la lutte des classes parmi les jeunes travailleurs. Des campagnes, des manifestations et des rassemblements ont été organisés et, finalement, une organisation d’environ 10 000 membres, principalement des jeunes travailleurs, a été créée, dont 2 000 assistaient aux conférences annuelles. La direction du Parti travailliste a accepté d’accorder au Labour Party Young Socialists (LPYS, section jeunes du Parti travailliste jusqu’en 1991) une place au sein du Comité exécutif national, ce qui lui a permis d’intervenir efficacement dans les batailles cruciales au sein du parti qui éclateront à la fin des années 1970 et dans les années 1980.

Le LPYS a organisé le premier mouvement national travailliste de l’époque contre le racisme à Bradford en 1974. Il a été à l’avant-garde de nombreuses luttes antiracistes et de batailles contre les fascistes, y compris la bataille de Lewisham en 1977, où il a joué un rôle de premier plan dans l’arrêt d’un défilé du Front national fasciste. Des brochures sur la révolution russe et d’autres sujets ont été produites et financées par le Parti travailliste. À l’époque, le Parti travailliste était totalement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. Bien que ses principaux dirigeants soient pro-capitalistes, la classe ouvrière le considérait comme son parti et de larges sections y étaient actives.


L’internationalisme

Les luttes internationales ont été une caractéristique majeure du travail lancé par le LPYS sous la direction de Militant, en particulier la campagne de défense des jeunes socialistes espagnols pendant la lutte contre la dictature fasciste de Franco.

Les développements en Grande-Bretagne ont également ouvert de nouvelles voies pour le travail international et le développement du CIO. Des membres militants du LPYS ont été envoyés en visite internationale aux conférences des jeunes socialistes en Europe. Cela permit de nouer des contacts et contribua à jeter les bases et à renforcer le travail du CIO, principalement en Europe, après sa fondation en 1974. Des sections du CIO ont été créées dans toute l’Europe occidentale et construites en Allemagne, en Suède, en Irlande, en Espagne, en Autriche, aux Pays-Bas, en Grèce, à Chypre et ailleurs. La plupart de ces sections ont également travaillé au sein des partis sociaux-démocrates.

Cependant, ce travail, bien qu’il ait permis à ces sections de se développer et de croître, n’a pas suivi la même voie que la situation unique qui s’est développée au sein du Parti travailliste britannique. Bien qu’en Irlande, il ait été possible d’avoir un impact important, de gagner la direction de la Jeunesse travailliste et de faire élire des membres au Conseil d’administration du Parti travailliste, cela ne reflétait pas la situation dans les partis sociaux-démocrates dans l’ensemble.

Reflétant les révolutions qui se sont développées en Grèce, en Espagne et au Portugal, les partis sociaux-démocrates PASOK, PSOE et PSP, respectivement, ont viré à gauche de manière spectaculaire pendant un certain temps. Le succès du travail du Militant au sein du Parti travailliste britannique a été remarqué au niveau international par les bureaucraties et les dirigeants sociaux-démocrates de droite pro-capitalistes. Ils ont rapidement pris des mesures pour nous expulser en Suède, où ils craignaient notre soutien croissant parmi la jeunesse sociale-démocrate. En Finlande, ils nous ont proscrit et interdit d’adhésion avant même que nous ayons recruté un seul membre.

Les succès que nous avons remportés dans ce domaine en Grande-Bretagne, au sein du Parti travailliste, ont peut-être conduit à mettre trop l’accent sur cet aspect du travail du CIO dans certains pays. Cependant, ce n’était pas la seule voie ou tactique appliquée par le CIO. En Grèce, immédiatement après le renversement de la junte militaire en 1974, nous sommes entrés en contact avec deux groupes trotskystes existants qui se sont mis d’accord pour fusionner et commencer à intervenir dans le PASOK car il explosait en nombre de membres après sa formation. Ils ont été rapidement expulsés en 1976 alors qu’ils bénéficiaient d’un soutien croissant.

Le Sri Lanka a connu une évolution majeure. Le Sri Lanka avait bénéficié d’une forte tradition trotskyste grâce à la construction du parti de masse des travailleurs, le LSSP (Lanka Sama Samaja Party, litt. Parti socialiste Lanka) [ndt], qui avait un noyau trotskyste. Suite à la dégénérescence de ce parti après son entrée dans un gouvernement de front populaire, une scission a finalement eu lieu et le NSSP (Nava Sama Samaja Party, litt. Nouveau parti pour une société égalitaire) [ndt] a été créé en 1977 et affilié au CIO. Dans le même temps, des militants en exil ont commencé à travailler au Pakistan. Ils sont ensuite rentrés dans le pays et ont créé une organisation.

D’autres, plus modestes, ont été attirés par le CIO à un stade ultérieur. En Afrique du Sud, deux trotskystes s’installèrent à Londres et créèrent avec d’autres la Tendance ouvrière marxiste de l’ANC, qui comptait des membres en exil et en Afrique du Sud, luttant contre le régime d’apartheid. Plus tard, au Nigeria, des camarades de deux petits groupes se sont réunis en 1985 et ont commencé à construire le CIO dans ce pays, devenant ainsi un facteur important de la gauche nigériane.

Les années 80 ont été marquées par une recrudescence de la lutte en Amérique latine et par le renversement des régimes militaires qui régnaient sur le continent. Le CIO s’est tourné vers ces mouvements et a envoyé des camarades pour créer des sections au Chili, au Brésil et en Argentine, ce qui a été fait. Au Chili, notre section a participé à la lutte dans la clandestinité pendant la dictature de Pinochet et le CIO a lancé une campagne internationale de solidarité politique et financière, la Campagne de défense socialiste chilienne, prônant un programme socialiste révolutionnaire pour renverser le régime.


Succès


En Grande-Bretagne, le soutien et l’adhésion à Militant n’ont cessé de croître, reflétant la radicalisation et la polarisation de la situation politique et la reprise de la lutte des classes. Une bataille acharnée s’engagea entre la gauche et la droite au sein du Parti travailliste et des syndicats. Le Militant allait jouer un rôle central dans cette bataille et devint dans de nombreux domaines l’épine dorsale de la gauche. Trois partisans du Militant sont élus au Parlement. De manière décisive, les partisans du Militant obtiennent un soutien majoritaire au sein du Parti travailliste de Liverpool, puis au sein du conseil municipal.

Plus tard, grâce au leadership et au rôle des membres du CIO dans d’importantes luttes en Irlande, notamment la campagne contre les taxes sur l’eau, les membres ont obtenu des sièges dans les conseils locaux, au parlement irlandais et au parlement européen.

Une base solide a été construite dans les syndicats, les partisans du Militant jouant un rôle important dans la lutte pour transformer les syndicats en organisations combatives de la classe ouvrière. L’orientation vers la classe ouvrière organisée a été un aspect crucial de l’orientation politique du CIO et de son travail.

Une bataille épique allait s’engager entre le Conseil de Liverpool et le gouvernement détesté de Thatcher. À un moment donné, une grève générale a été déclenchée dans toute la ville et 50 000 personnes se sont rassemblées pour soutenir le conseil. Cette lutte historique allait devenir un champ de bataille crucial contre Thatcher et l’aile droite du Parti travailliste. Sous la direction perfide de Neil Kinnock, le parti s’oriente vers la droite. En 1983, les cinq membres du comité de rédaction de Militant ont été expulsés. Il a fallu des années à l’aile droite pro-capitaliste du Parti travailliste pour mener une chasse aux sorcières vicieuse qui a fini par chasser des milliers de personnes du parti. En 1986, les conseillers municipaux de Liverpool ont été suspendus et inculpés.

La bataille épique de Liverpool devait être suivie par la campagne de non-paiement massif de la détestée poll tax que Thatcher avait introduite en 1989/90. Militant a initié et dirigé ce mouvement de masse qui a culminé avec dix-huit millions de personnes refusant de payer la taxe, ce qui a finalement permis de vaincre Thatcher et de déclencher sa chute. Le CIO souligne le rôle crucial de la classe ouvrière organisée dans le syndicat. En même temps, dans certaines circonstances, des organisations ad hoc non basées sur les syndicats peuvent se développer, comme la Fédération anti-poll tax que nous avons initiée.


Précisions

Les conditions objectives, les guerres, les révolutions et les luttes de la classe ouvrière mettent à l’épreuve toutes les organisations révolutionnaires et les individus. Il est parfois essentiel de maintenir une position politique de principe, même si cela implique de s’opposer à un grand parti ou groupe, ou d’être dans une minorité. Cela est parfois nécessaire pour maintenir une crédibilité politique. Lorsque cela s’est avéré nécessaire, le CIO a été contraint d’adopter cette méthode.

Au Sri Lanka, la défaite du gouvernement face à la grève générale du secteur public a sapé la base solide dont disposait le NSSP au sein des syndicats et a ouvert la voie aux pogroms soutenus par le gouvernement en 1983 au sein de la minorité tamoule. Ces pogroms ont été suivis d’une guerre brutale contre le peuple tamoul qui s’est soldée, en 1987, par l’intervention de l’armée indienne. La majorité du NSSP a soutenu l’intervention indienne et a abandonné la revendication du droit à l’autodétermination du peuple tamoul. La direction du CIO et une minorité du NSSP s’y sont opposés. Le débat a commencé en 1987 et s’est terminé par l’expulsion du NSSP du CIO en 1989. Cet exemple montre qu’il est parfois nécessaire de défendre une position politique de principe, même au prix de la perte de certaines forces ou d’une mise en minorité à l’issue d’une période de débat et de discussions démocratiques.

Cette question devait se poser à nouveau au sein de Militant et du CIO à la fin des années 1980 et dans les années 1990, alors qu’une situation mondiale entièrement nouvelle apparaissait avec l’effondrement des régimes staliniens dans l’ex-URSS et en Europe de l’Est. Même avant ces bouleversements, des divergences sont apparues sur la tactique à suivre dans le mouvement contre la poll tax, qui reflétait des pressions opportunistes au cours d’un mouvement et d’une lutte de masse. Une minorité en Grande-Bretagne soutenait que les députés militants devaient payer la poll tax afin de conserver leurs sièges parlementaires. La grande majorité s’est opposée à cette position opportuniste. L’un des députés, Terry Fields de Liverpool, a dû aller en prison pour avoir refusé de payer la taxe et a ensuite été exclu du Parti travailliste.

D’autres questions ont également suscité des débats et des discussions, par exemple l’évolution de la situation en Afrique du Sud, alors que le régime d’apartheid entrait dans sa dernière phase d’agonie. Cela reflétait l’évolution de la situation mondiale. Des questions cruciales et fondamentales se sont posées au CIO dans les années 1990. Une situation mondiale entièrement nouvelle allait se développer. Elle exigeait une réévaluation complète des perspectives mondiales et des tactiques et stratégies qui en découlent. L’effondrement des États staliniens et le rétablissement du capitalisme dans l’ancienne URSS et en Europe de l’Est ont changé la situation mondiale et ont eu un impact décisif sur la conscience politique, les organisations et les partis politiques de la classe ouvrière.

La minorité qui émergea alors au sein du CIO était dans le déni de ces changements et de ce qui en découlait. Au début des événements dans l’ex-URSS et en Europe de l’Est, la situation n’était pas tout à fait claire. La possibilité d’une restauration capitaliste a été évoquée lors du congrès mondial du CIO en 1988. En l’espace de quatre à cinq ans, elle est devenue un fait accompli.

Le CIO a envoyé des membres pour intervenir dans tous les pays d’Europe de l’Est et dans ce qui était alors l’URSS. Le fait de voir la réalité sur place permet de mieux comprendre les processus à l’œuvre. Ce qui allait devenir la majorité du CIO était ouvert à la compréhension des changements en cours et tirait rapidement les conclusions qui en découlaient. Ce qui allait devenir la minorité ne l’était pas. Elle se contentait de répéter ce qui était devenu une formule dépassée et dangereuse. La situation objective mondiale et la manière d’y répondre ont provoqué une scission au sein du CIO.

Le CIO a été la première organisation de la gauche révolutionnaire à reconnaître que la restauration capitaliste avait eu lieu. Il a également réévalué la situation des anciens partis sociaux-démocrates et de certains partis communistes, concluant qu’ils s’étaient embourgeoisés et n’étaient plus des partis ouvriers bourgeois. En l’absence de partis politiques ouvriers d’envergure dans la plupart des pays, la nécessité de créer de nouveaux partis ouvriers de masse s’est imposée, parallèlement à la nécessité cruciale de construire des partis révolutionnaires. L’ancienne minorité du CIO rejette cette approche et s’accroche dogmatiquement à la tactique dépassée qui consiste à continuer à travailler dans les anciens partis comme si rien n’avait changé.


1990s


Les organisations et les individus révolutionnaires sont mis à l’épreuve de différentes manières et dans un éventail de situations objectives variées. Les années 1990 ont toutefois été un terrain extrêmement difficile à parcourir pour les marxistes. Il y a eu des exceptions : au Nigeria, après l’annulation des élections de 1992, on a assisté à diverses luttes de masse contre le maintien du régime militaire, dans lesquelles les camarades du CIO ont joué un rôle de plus en plus influent. Les classes dirigeantes ont profité de l’effondrement des anciens États staliniens pour lancer une vaste offensive idéologique. Le socialisme a été vaincu, « nous avons gagné », ont-elles clamé haut et fort. Les dirigeants du mouvement ouvrier international ont pour la plupart capitulé. La conscience politique a été fortement ébranlée et commence à peine à se redresser. Cela ne veut pas dire qu’il ne se passe rien ou que des luttes n’éclatent pas.

Cependant, l’idée du socialisme en tant que système social alternatif était absente. En Europe, des couches importantes de la jeunesse ont fait écho à l’appel à la lutte contre le racisme. Le CIO a pris une initiative audacieuse en lançant le mouvement « Jeunesse contre le racisme en Europe » (JRE). À son apogée, une manifestation paneuropéenne a été organisée à Bruxelles en octobre 1992, mobilisant 40 000 jeunes de toute l’Europe. La JRE s’est ensuite développée dans un certain nombre de pays. C’est lors de la manifestation de Bruxelles que nous avons rencontré pour la première fois les camarades qui ont ensuite formé la section française du CIO. Les activités de la JRE ont joué un rôle crucial dans le développement d’une nouvelle génération de cadres, dont certains allaient devenir les dirigeants nationaux de nos sections et jouer un rôle prépondérant au sein du CIO.

La nouvelle situation mondiale a posé de nouvelles questions au CIO et à la classe ouvrière. Des débats riches, animés et démocratiques ont eu lieu au sein du CIO sur des questions relatives à l’introduction de l’euro, à l’Union européenne, à la mondialisation, au caractère de classe de la Chine et à la question nationale en Écosse, dans l’État espagnol et ailleurs. Par la suite, d’autres questions ont été pleinement débattues et discutées, telles que l’économie marxiste et la tendance à la baisse du taux de profit, ainsi que les questions tactiques auxquelles nos sections étaient confrontées.

Toutes les organisations ont été affectées par ce changement fondamental de la situation mondiale. Aucune organisation politique, y compris la gauche révolutionnaire, si elle est enracinée dans la société, ne peut être à l’abri des pressions objectives et de la situation concrète existante.

Le CIO a tenté de contacter d’autres organisations internationales adhérant au trotskisme pour discuter de la possibilité d’un accord. Des discussions ont eu lieu avec l’USFI, la LIT (Liga Internacional dos Trabalhadores) [ndt], l’UIT (Unidad Internacional de Trabajadoras y Trabajadores) [ndt] – ces deux dernières organisations étant principalement basées en Amérique latine et issues du courant trotskiste de Moreno – et d’autres. Cependant, après discussion, il est apparu clairement qu’il n’y avait pas d’accord politique sur les questions cruciales.

Dans certains pays, nous avons exploré de nouvelles tactiques, comme au Brésil, où le PT social-démocrate avait dégénéré et basculé à droite et où, pendant une période, les membres du CIO ont participé au PSTU, un parti aligné sur la LIT, avant la formation d’une nouvelle formation de gauche, le PSOL, qui s’est séparée du PT en 2002 et était en partie composée de diverses tendances trotskistes. Le CIO a toujours adopté une approche flexible à l’égard des tactiques et des orientations nécessaires dans chaque situation concrète.

Les pressions objectives de cette période ont pesé sur les socialistes et la classe ouvrière. Malheureusement, cela a affecté certains membres du CIO en Écosse qui, reflétant ces pressions, ont cherché un raccourci et ont proposé en 1998 la dissolution du parti révolutionnaire dans un parti plus large au sein duquel ils travailleraient en tant que tendance libre. Cette proposition s’inscrivait dans un contexte où le SML (Militant en Écosse) avait conquis une base importante grâce à la lutte contre la poll tax et à d’autres combats. Le SML a élu des conseillers à Glasgow et à Strathclyde. Entre 1992 et 1994, il s’est présenté à dix-sept élections et a obtenu en moyenne 33,3 % des voix. La direction du CIO s’est opposée à ce virage opportuniste. Nous avons proposé que si l’organisation écossaise insistait pour l’appliquer, elle pourrait le faire, à condition qu’un bilan soit établi après un ou deux ans. Cette proposition a été rejetée par la majorité des Écossais, qui se sont séparés du CIO en 2001.


Opportunités et complications


La fin des années 1990 et l’ouverture du nouveau siècle ont vu naître des mouvements contre le néolibéralisme, des mouvements anticapitalistes et des manifestations dans lesquels le CIO est intervenu. Ces mouvements ont ouvert un nouveau chapitre. Cependant, ils reflètent également l’un des effets de l’effondrement des anciens États staliniens sur la conscience politique des militants, de la classe ouvrière et de la nouvelle génération. L’idée d’un système social alternatif au capitalisme, le socialisme, n’était pas présente. Le nouveau siècle a vu le développement de la « vague rose » en Amérique latine, qui a commencé en 1999 avec l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chávez au Venezuela. Le CIO est intervenu dans ces événements et a créé une petite section. Les faiblesses de ces mouvements les ont fortement limités.

Le changement d’état d’esprit parmi les grandes couches a cependant été très significatif. Il se reflétait dans la principale puissance impérialiste mondiale, les États-Unis. Le CIO de l’époque a été en mesure d’intervenir et d’en tirer profit. Un membre de l’époque a été élu au conseil municipal de Seattle – le seul socialiste indépendant à avoir été élu à l’époque aux États-Unis – et a pris la tête de la lutte pour l’augmentation du salaire minimum et d’autres questions.

Le caractère significatif mais politiquement limité de ces mouvements a finalement conduit à la déception, à la désillusion et à la trahison. La défaite de la « vague rose » en Amérique latine dans certains pays a ouvert la voie à la victoire électorale de la droite.

La « grande récession » qui a frappé en 2008, et qui avait été anticipée par le CIO, a ouvert une nouvelle ère du capitalisme. Une nouvelle période d’agonie prolongée du capitalisme avec une crise économique et une croissance fragile et éphémère s’est ouverte. Le CIO, selon notre analyse, espérait que cela conduirait à une réémergence plus rapide d’une conscience politique socialiste.

Mais cela n’a pas été le cas. Elle a ouvert la voie à des bouleversements et à des luttes dans de nombreux pays, comme le Printemps arabe en 2011. Plus tard, une série de soulèvements et de révolutions multiples ont éclaté au Soudan, au Chili, en Équateur, au Sri Lanka et ailleurs. On a assisté à une radicalisation politique anti-système, anti-inégalité, contre l’élite dirigeante et le néolibéralisme, etc. Pourtant, l’idée d’un système social alternatif, le socialisme, n’était pas encore présente de manière cohérente.

Les bouleversements en Grèce, en Espagne et ailleurs ont conduit à la croissance de nouvelles forces politiques de gauche comme Syriza et PODEMOS. Ces forces étaient très symptomatiques, mais il ne s’agissait pas de nouveaux partis ouvriers de masse comme l’avait préconisé le CIO. Le mouvement corbyniste en Grande-Bretagne, vers lequel le CIO s’est orienté, faisait partie de ce processus international. Les nouveaux partis étaient en grande partie des partis populistes de gauche et des « partis numériques ». Critiques à l’égard du capitalisme et de ses conséquences, ils ne prônaient pas un système social alternatif, le socialisme. Ils n’ont pas pris les mesures nécessaires pour construire des partis ouvriers de masse. Politiquement limités et faibles, ils ont, comme la « vague rose » latino-américaine, été vaincus ou ont trahi le mouvement, ce qui a conduit à la confusion et à la déception. Une ère politique de populisme, de gauche comme de droite, a dominé la situation. Cela peut changer dans l’ère actuelle.


Vers les années 2020

Une période complexe de crise capitaliste a suivi. La classe ouvrière n’a pas imprimé sa marque politique sur la situation en tant que classe. La majeure partie de la gauche s’est effondrée sur le plan idéologique. Cela s’est reflété à nouveau lors de la pandémie de COVID et, plus récemment, lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et de la guerre à Gaza, avec l’incapacité de défendre une position de classe indépendante. Cette période a exercé de nouvelles pressions objectives sur la gauche et la gauche révolutionnaire. Elle a également affecté les partis bourgeois.

Sous cette pression, de nombreux partis et groupes se fragmentent et se divisent. Ce processus devait également affecter le CIO. Dans certains cas, le poids de l’effondrement économique et social a également touché les organisations. Comme nous l’avons vu précédemment, comme au Pakistan, certaines sections du CIO et certains membres, frustrés par la complexité de la situation, ont cherché des raccourcis. Ils se sont détournés de la classe ouvrière organisée. Vers la fin de la première décennie de ce siècle, une section a adopté le fléau diviseur de la politique identitaire qui avait émergé du monde universitaire aux États-Unis. Cela signifiait qu’elle se détournait de la classe ouvrière organisée. Il en est résulté une scission du CIO, qui comprenait des membres des États-Unis, d’Irlande et d’autres pays. Formant un bloc politique sans principes, leur nouvelle organisation est rapidement entrée dans une série de problèmes et de divisions et se trouve actuellement au milieu d’une crise majeure et d’une scission probable.

La situation explosive qui s’est développée, en particulier après 2018, avec des soulèvements de masse dans des pays comme le Sri Lanka, le Chili et ailleurs, dans lesquels le CIO est intervenu, a ouvert une nouvelle ère. La scission de nos rangs en 2019 sur la question de l’orientation vers la classe ouvrière et la politique identitaire, comme d’autres auparavant, faisait partie d’un processus nécessaire pour préparer le CIO, en se basant sur les méthodes de Marx, Engels, Lénine et Trotsky, à une nouvelle tâche historique et à une situation mondiale entièrement nouvelle. Cela exige l’application des méthodes de ces dirigeants révolutionnaires historiques et non la répétition par cœur de ce qu’ils ont soutenu dans une situation politique et mondiale différente.

Tout au long de la pandémie, sur la base d’une analyse et de fondements politiques solides, le CIO a été en mesure de maintenir ses forces et de se préparer à la nouvelle situation explosive dans laquelle se trouve le capitalisme, dans son agonie prolongée.

Aujourd’hui, le CIO est intervenu avec succès dans la reprise de la lutte des classes qui s’est manifestée par la multiplication des grèves en Grande-Bretagne, en Allemagne, aux États-Unis et dans d’autres pays. Dans la situation effroyable qui règne dans la plupart des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, nous avons maintenu le noyau révolutionnaire dans des pays cruciaux comme le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Chili, le Sri Lanka, l’Inde et d’autres pays, et nos forces participent activement aux luttes qui s’y déroulent.

L’aggravation de la crise du capitalisme mondial dystopique, avec ses guerres, sa polarisation et ses conflits et luttes de classe, impose à la classe ouvrière la nécessité urgente de reconstruire le soutien à l’alternative politique indépendante qu’est le socialisme. Le CIO fait partie de ce processus et reconstruit le mouvement trotskiste révolutionnaire avec des partis socialistes révolutionnaires qui peuvent éventuellement devenir de grands partis ou des partis de masse. Dans la lutte pour construire de tels partis, de nouvelles forces et de nouveaux partis émergeront et feront également partie de ce processus.

Pour construire des partis socialistes révolutionnaires, deux éléments sont essentiels. D’une part, il est essentiel qu’ils reposent sur une base théorique, une perspective et un programme marxistes solides. En même temps, ils doivent être enracinés dans l’action, l’intervention et la participation à la lutte des classes et à la vie des opprimés. Le CIO est confiant et optimiste quant à sa capacité à jouer un rôle crucial, avec d’autres, dans la construction des partis socialistes révolutionnaires et de l’Internationale qui seront essentiels pour vaincre le capitalisme et construire un avenir socialiste.

Tony Saunois, secrétaire du CIO