Kanaky/Nouvelle-Calédonie : Non à l’état d’urgence ! Non au dégel du corps électoral ! Droit à l’autodétermination !

Macron met le feu en Kanaky !

Les médias parisiens font semblant de découvrir la situation en Kanaky/Nouvelle-Calédonie en titrant sur des « émeutes » et en passant sous silence que c’est Macron qui mène une politique particulièrement désastreuse. Tant la droite locale et les députés macronistes locaux que le gouvernement (avec le soutien complet du RN et de LR) ont décidé d’aller à l’affrontement contre la mouvance indépendantiste, en particulier depuis 2021.

Le but : empêcher coûte que coûte la possibilité d’une indépendance mais aussi la possibilité d’une majorité durable autour des indépendantistes kanaks au gouvernement territorial calédonien. La dernière étape est donc le passage en force de la « loi sur le dégel électoral » (loi prise élaborée à la demande des élus LR et Renaissance de Nouvelle-Calédonie et de Darmamin, le ministre de l’Intérieur) qui dépossède complètement les Calédoniens du processus électoral sur leur territoire. C’est cette ultime provocation qui a mis le feu aux poudres malgré les mises en garde des organisations nationalistes, indépendantistes, et autonomistes (Palika, USTKE, FLNKS…).

Le gouvernement Macron a donc décidé de réformer le statut par un changement constitutionnel en modifiant le corps électoral. En clair, plus d’Européens récemment installés, souvent venus là pour faire du business, incités à s’installer en Nouvelle Calédonie pour faire du « peuplement » face à la hausse démographique naturelle de la population kanake et océanienne, pourraient voter sur le statut du territoire aux élections locales, au même titre que les habitants autochtones.

Malgré les mobilisations pacifiques en cours, le vote à l’Assemblée nationale est resté programmé, le gouvernement Macron recevant le soutien du RN et de LR. Cette décision pleine de mépris colonial ne pouvait qu’ajouter de l’huile sur le feu en Kanaky et renforcer les mobilisations et émeutes qui sont en cours sur place. Dans la nuit du 14 au 15 mai, suite au vote de l’Assemblée nationale, qui a emboîté le pas au Sénat pour valider la révision constitutionnelle du corps électoral, les émeutes se sont poursuivies. Il y a à cette heure quatre morts et des centaines d’interpellations. Le GIGN, le RAID, les CRS 8 (spécialistes de la répression en milieu urbain) et les gendarmes mobiles sont dépêchés sur place. L’État colonial privilégie une fois de plus la répression. L’État d’urgence a été déclaré par Macron.

D’où vient cette colère ?

Depuis 1988, un processus institutionnel doit se déployer pour que les habitants votent sur l’avenir de la Kanaky et puissent se prononcer, par trois referendums successifs, sur leur rapport avec la France et leur autonomie ou indépendance.

Lire l’article Kanaky : retour sur la colonisation et les débuts de la lutte indépendantiste

Ce processus, pour déterminer le rapport de la Kanaky avec la France, avait été décidé suite à une décennie de mobilisations et de luttes de masse en Kanaky pour l’indépendance dans les années 1980 contre la domination française.

La répression des gouvernements français avait été féroce. Mais les forces politiques, syndicales et associatives de la mouvance nationaliste et indépendantiste n’ont jamais cédé à la peur. Mais afin que cessent la violence et les morts, les accords de Matignon en 1988, puis ceux de Nouméa en 1998, avaient été signés entre les partis, syndicats et associations de la mouvance nationaliste et indépendantiste, les anti-indépendance et l’État français. Le corps électoral avait été décidé en 1998, fixant qui pouvait voter et notamment qui parmi les Européens pouvait voter : les Caldoches, familles descendants de colons en Kanaky là depuis longtemps, et les Européens arrivés et installés depuis plus de 20 ans.

Diviser pour mieux régner

Or depuis 2018, Macron et ses gouvernements font tout pour freiner et limiter le poids politique des Kanaks : difficultés d’inscription sur les listes électorales alors qu’ils y sont depuis toujours..! Les trois référendums ont eu lieu.

Le premier a été organisé le 4 novembre 2018. Il avait vu une victoire du Non à 56 %. Mais le vote des indépendantistes était fort. Au deuxième référendum, le 4 octobre 2020, le vote indépendantiste avait progressé à 46 %. Quant au troisième et dernier, il avait eu lieu le 12 décembre 2021. Ce dernier référendum fut particulièrement marqué par l’abstention (56%), les indépendantistes ayant appelé au boycott suite à un désaccord sur la date… car il se déroulait en pleine crise du Covid là-bas ; le confinement ayant empêché toute réunion publique et activité militante.

Lire nos articles : Nouvelle Calédonie-Kanaky : pour le report du référendum sur l’indépendance ! (novembre 2021) et Nouvelle-Calédonie / Kanaky, un référendum faussé (janvier 2022).

Ce référendum est toujours contesté car il n’a pas rempli les conditions de « rééquilibre » prévues dans les accords de Nouméa. Mais Macron et son gouvernement ont choisi le passage en force pour appuyer la droite et les macronistes de Nouvelle-Calédonie, qui voient que leur toute-puissance s’érode. Car comme par hasard, ce référendum tronqué a été organisé après qu’aux élections provinciales, les partis anti-indépendance sont devenus minoritaires. Le gouvernement territorial, élu en février 2021, a été formé avec 6 membres issus des coalitions indépendantistes et nationalistes, 4 issus de la droite et des macronistes et un indépendant.

Comme par hasard, deux mois après l’annonce qu’une loi sur le dégel électoral allait être soumise au parlement si les partis calédoniens ne trouvaient pas d’accord sur le processus électoral, la droite pro-coloniale quittait le gouvernement et refusait de siéger. Quand Macron dit que la loi adoptée à l’Assemblée Nationale en France ne serait pas appliquée si un accord local était trouvé en Nouvelle-Calédonie, on voit bien l’arnaque, puisque les anti-indépendance refusent tout accord !

Depuis 2021, c’est la même logique qui continue, tant au gouvernement Macron que dans les partis des descendants de colons. Car la majorité de l’économie de l’archipel est toujours aux mains des Caldoches ou des Européens arrivés faire des affaires, tandis que la population kanake était majoritairement maintenue dans un état de sous-développement. Il a fallu attendre 1999 pour qu’une véritable Université existe en Nouvelle-Calédonie par exemple.

Empêcher toute évolution vers l’indépendance

C’est pour cela que le député macroniste Metzdorf est venu pleurer auprès du gouvernement de faire passer au plus vite ce dégel du corps électoral pour tenter de maintenir encore un temps leur toute-puissance. Ce dernier parle de « dérive totalitaire des indépendantistes » (interview radio Rythme bleu) mais aussi dévoile la raison profonde de la manœuvre orchestrée depuis Paris : la population européenne entrant dans les critères de 1998 pour voter diminue (la Nouvelle-Calédonie perd des habitants de manière générale) tandis que la population kanake continue de croître.

Intégrer au corps électoral les Européens fraîchement arrivés permettrait à Metzdorf et à ses amis de maintenir leur domination coloniale encore un certain temps.

Mais une telle politique signifiera une répression accrue contre les revendications kanakes.

De plus, il est clair que Macron truque les cartes pour préserver les intérêts économiques importants qu’il y a sur place dans cette zone de l’Asie du Sud Est-Pacifique : un enjeu géopolitique important pour la Chine et la Grande-Bretagne, les États-Unis et l’Australie qui sont alliés dans la région. La France ne veut pas perdre son pré carré et sa zone d’influence au mépris des droits des peuples du Pacifique.

Solidarité avec Kanaky !

La politique de Macron, renforcée par un vote du Sénat et à l’Assemblée en France provoque une gigantesque colère sur place. L’envoi de troupes par Macron et sa menace du maintien du congrès en juin 2024 pour ratifier la révision de la Constitution, même sans accord local entre indépendantistes et loyalistes, en dit long.

Macron joue avec le feu. Son objectif n’est pas seulement de maintenir encore un temps les Kanaks en minorité électorale dans leur propre territoire. Il a l’air de pousser à une sorte de répartition qui existe un peu déjà en Nouvelle-Calédonie/Kanaky, en redistribuant les compétences des régions et celle du gouvernement de Nouméa : le Nord traditionnellement sous contrôle des partis indépendantistes, et le Sud aux Européens. C’est déjà problématique et contourne la question du droit des habitants à l’autodétermination pour toute la Kanaky.

Mais c’est aussi très dangereux d’un point de vue politique. Une grande partie des colons est idéologiquement opposée au partage du pouvoir avec les indépendantistes. Et au regard des tensions sociales, des problèmes économiques, du contrôle des ressources en minerais de la Kanaky, ils sont particulièrement virulents, butés (et racistes) comme le sont souvent les colons. Macron n’est d’ailleurs pas loin de risquer une partition du territoire, ce qui serait certainement la solution la plus stupide qui soit, source de futures guerres civiles.

Ce n’est pas pour rien que les événements les plus violents se déroulent à Nouméa et dans la province Sud : c’est là où les inégalités sociales, la toute puissance des descendants de colons, le racisme, sont les plus forts. Une couche de jeunes exaspérés en a assez du mépris colonial et des manœuvres de la droite et des macronistes de même qu’ils veulent se venger de la répression que subissent toutes les actions pacifiques qui ont lieu depuis janvier mais où des nombreuses arrestations de militants ont eu lieu.

Les principales organisations se sont retrouvées dans la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain) qui avait annoncé une montée en puissance des actions en fonction des provocations du gouvernement. La CCAT n’a jamais appelé aux pillages et destructions, rappellent-ils, mais ils ont appelé à la grève (qui touche de nombreux secteurs, ce dont les médias ne parlent pas…) et aux blocages et piquets un peu partout dans l’île. C’est effectivement dans cette voie qu’il faut continuer et tout le mouvement ouvrier doit apporter sa solidarité.

Il faut d’autre part un véritable débat au sein du mouvement sur l’organisation démocratique de la société en Nouvelle-Calédonie pour que l’indépendance ou l’autonomie ne soit pas récupérée par les prédateurs capitalistes du Pacifique (Chine, Australie, USA…) mais bien en construisant une société socialiste, débarrassée du capitalisme et de sa loi du profit, où l’économie est en propriété publique aux mains des travailleurs et de la population de tout l’archipel, pour permettre son développement socialiste, démocratique, écologique etc. de la région pour le bénéfice des habitants.

  • Assez de la politique colonialiste et répressive de la France en Nouvelle Calédonie !
  • Pour le droit plein et entier à l’autodétermination des Kanaks !