Ayez confiance… le bout du tunnel n’est pas si loin

Prenant appui sur l’annonce du bon en avant du taux de croissance américain, les « experts » en économie, ces prophètes de la doctrine libérale, annoncent un retournement de conjoncture. Mais il est maintenant habituel d’entendre ces gourous du capitalisme entonner cette litanie « des lendemains qui doivent chanter » afin de nous faire patienter lorsque l’économie capitaliste a des ratés. Il faut donc y regarder d’un peu plus près.

Article paru dans l’Egalité n°104

Il est cependant indéniable que l’économie américaine connaît une éclaircie selon les critères libéraux. La Bourse américaine se porte mieux. Même le NASDAQ, l’ensemble des valeurs des nouvelles technologies, qui s’était effondré après l’éclatement de la bulle spéculative en 2000, connaît à nouveau une période d’embellie quelque peu déraisonnable, au point que certains évoquent déjà la formation d’une nouvelle bulle spéculative ; le moteur de recherche Google est surévalué de 50 fois par rapport à sa valeur réelle (rapport entre la cotation et les profits réalisés par l’entreprise). Le rapport entre la capitalisation boursière (l’ensemble des valeurs boursières) et le PIB est de 115%. C’est donc l’ensemble des valeurs boursières qui est surévalué. Avant la chute des Bourses américaines en 2000 ce rapport était de 160%, puis la bourse a perdu près de 50% de sa valeur.

Le taux de croissance est donc aussi en forte progression, 7,2% en rythme annuel pour le troisième trimestre 2003 (3,3% au second trimestre). Cette forte augmentation est due essentiellement à une augmentation de la productivité du travail (grâce entre autre à une meilleure intégration des nouvelles technologies au sein des entreprises depuis quelques mois, mais grâce aussi et surtout aux milliers de licenciements – les USA ont perdu plus de 3 millions d’emploi depuis que Bush est au pouvoir), à l’augmentation des dépenses militaires (+ 45% au second trimestre), aux baisses massives d’impôts et enfin à la faiblesse du dollar face à l’euro grâce à la baisse des taux d’intérêt effectuée par la Federal Bank.

Les USA, la locomotive de l’économie mondiale ?

Mais analyser ces éléments comme un signe d’amélioration durable de la situation est une vue à court terme ; l’économie américaine est toujours sur le fil du rasoir.

Premièrement les bulles spéculatives finissent toujours par éclater, entraînant l’effondrement de l’économie réelle à sa suite. Le chômage augmente toujours, le nombre de pauvres et de travailleurs pauvres est aussi en pleine croissance (c’est aussi vrai en Europe), alors que les aides d’Etat ne cessent de baisser, diminuant la solvabilité du marché, et que la dette des ménages est, semble-t-il, arrivée à son maximum (la dette des ménages américains atteint, en 2002, 8400 milliard de dollars, soit 29 000 dollars par américain alors que le revenu médian par an est de 42 000 dollars). La crise de surproduction continue donc de s’accroître poussant les patrons américains à chercher des débouchés à l’extérieur en libéralisant l’économie mondiale (et en accroissant les politiques protectionnistes) et poussant le gouvernement à mener une politique impérialiste agressive. Et ce n’est pas le taux de croissance attendu pour l’année prochaine, 3 ou 4%, qui permettra d’inverser la courbe du chômage.

Deuxièmement, l’économie américaine est toujours soutenue par les investisseurs étrangers alors que malgré un dollar faible les USA continuent d’importer plus qu’ils n’exportent ; ainsi la dette extérieure des USA auprès d’Etats ou d’investisseurs étrangers est aujourd’hui de 2500 milliards de dollars soit 25% du PIB et le déficit de la balance du commerce extérieur est de 500 milliards de dollars par an. Si pour une raison ou une autre, les investisseurs étrangers décidaient de rapatrier les capitaux, l’économie américaine s’effondrerait comme un château de cartes.

On le voit, les fondamentaux de l’économie américaine ne sont pas bons, contrairement à ce que les économistes nous disent. Lors de crises profondes, les économies peuvent voir des périodes d’amélioration temporaire. Aucun signe ne laisse présager que l’amélioration que vit actuellement les USA soit durable. L’Europe, et la France en particulier, ne risque donc pas d’en profiter.

Par Yann Venier